Les sportscientists (scientifiques du sport) et les entraîneurs oeuvrent chaque jour pour faire évoluer les méthodes d’entraînement en développant des stratégies innovantes pour maximiser le potentiel de l’athlète d’endurance.
D’un côté nous avons les sportscientists qui mettent en place des études pour comparer des protocoles d’entraînement standardisés grâce auxquels ils peuvent procéder à des analyses comparatives afin de valider les meilleures approches pour élever la performances d’endurance.
D’un autre côté nous avons les entraîneurs qui développent leurs propres protocoles d’entraînement sur le terrain qui sont le fruit de l’expérience et de l’observation des athlètes au quotidien. Nous avons également une version hybride de l’entraîneur scientifique qui utilise les stratégies d’entraînement développées et validées par les sportscientists tout en les confrontant à sa propre expérience de terrain.
Les modèles d’entraînement prenant en compte la distribution des intensités d’entraînement (DIE) sont nés de ces 2 mondes que sont les sportscientists et les entraîneurs auxquels s’ajoutent les athlètes puisque ces modèles d’entraînement sont avant tout observationnels, ils ont été défini en fonction de l’entraînement des meilleurs athlètes d’endurance.
La DIE est définit comme le temps d’entraînement passé dans chaque zone d’intensité d’entraînement généralement au sein d’un modèle à 3 zones — Zone 1 (Z1) : < au 1er seuil lactique, Zone 2 (Z2) : entre LT1 et le seuil lactique 2 (LT2), Zone 3 (Z3) : >LT2.
Les 3 modèles d’entraînement qui sont les plus étudiés sont les suivants :
L’entraînement Polarisé avec une DIE de 75-80% en Z1, 0 à 5% en Z2, 15 à 20% en Z3 (🔗pour tout savoir sur ce modèle🔗)
L’entraînement Pyramidal avec une DIE de 70-80% en Z1, 15 à 25% en Z2, 3 à 5% en Z3 (🔗pour tout savoir sur ce modèle🔗)
L’entraînement au seuil avec une DIE de 40% en Z1, 60% en Z2, 0% en Z3
De ces 3 modèles (polarisé-pyramidal-seuil), c’est la polarisation d’entraînement qui s’est imposée progressivement, depuis 2006 suite aux travaux de Seiler, comme le modèle d’entraînement qui serait le plus efficace dans les disciplines d’endurance.
Mais voilà on a essentiellement popularisé la polarisation d’entraînement en se servant de la justification suivante « comme les meilleurs athlètes d’endurance suivent un entraînement polarisé, alors la polarisation d’entraînement est optimale pour performer » !
On est donc sur un modèle polarisé qui est né uniquement des données d’entraînement des meilleurs athlètes d’endurance, ce qui ne veut pas dire que l’entraînement polarisé est optimal tout le temps pour le monde. En effet, des athlètes pros suivent une autre approche de l’entraînement en étant aussi performants, sans parler de ceux qui ont essayé de suivre ce modèle polarisé en n’arrivant pas à l’assimiler et en générant une réponse négative à l’entraînement, de la fatigue, des blessures et une baisse de leurs performances. On ne peut pas systématiser un modèle d’entraînement sous prétexte qu’il fonctionne très bien chez certains car chaque organisme est différent, il convient ainsi d’avoir une approche individualisée en fonction de la réponse adaptative individuelle à la charge d’entraînement.
Forcément lorsque les athlètes pros s’entraînent 2 à 3x/ jour, il est presque incontournable que la plus grosse proportion de leur volume d’entraînement soit réalisée à basse intensité. Sauf qu’un athlète amateur réalisant un volume d’entraînement moindre fera forcément moins de volume à basse intensité. Pour ce type d’athlète, n’ayant pas beaucoup de temps pour s’entraîner, on sera plus sur un entraînement qualitatif proche du modèle au seuil.
Pour aller plus loin dans la réflexion sur la DIE optimale, une méta-analyse récente (Kenneally & al, 2018) s’est justement penchée sur le sujet. Elle a recensé 493 articles originaux sur le sujet de la DIE mais en a retenu que 16 répondants aux critères d’inclusions suivants :
Les participants devaient être des coureurs de demi-fond ou de fond
L’analyse de la DIE devait être faite sous la forme de rapports d'observation, d'études de cas ou d’interventions sur l’entraînement des athlètes
Les études devaient être publiées dans des revues à comité de lecture
L’analyse des programmes d'entraînement devait être d'une durée de 4 semaines ou plus
Sur ces 16 études retenus, 6 étaient des rapports d’observation d’entraînement des athlètes, 3 étaient des études de cas, seulement 6 sont intervenues directement sur l’entraînement des athlètes et 1 était une revue.
Cette méta-analyse concluant que l’entraînement Pyramidal (PYR) et l’entraînement Polarisé (POL) seraient plus efficace que l’entraînement au seuil pour améliorer la performance d’endurance mais en reconnaissant toutefois que l’entraînement au seuil est utilisé par certains des meilleurs marathoniens du monde qui n’étaient pas inclus dans les études observationnelles, ce qui pose quand même question !
La méta-analyse a également pointée du doigt la difficulté de définir réellement une DIE optimale car la définition des zones d’intensité est différente selon les études. Certaines études utilisent un modèle à 3 zones (Z1 : < LT1, Z2 : entre LT1 et LT2, Z3 : >LT2), d’autres un modèles à 5 ou 7 zones ou encore un modèle de zones basé sur la vitesse de course ce qui change beaucoup de choses sur la prescription de la DIE (figure 2 & 3).
On voit qu’il est très compliqué de prescrire une DIE optimale si à la base on utilise des modèles de zones différents. Un entraînement Polarisé en utilisant les zones de FC peut être Pyramidal en utilisant les zones de vitesse. En effet, la FC n’étant pas stationnaire on peut avoir une grande partie du travail de la zone 1 dans la zone 2 ce qui change la DIE d'un modèle polarisé à un modèle pyramidal.
Tous les modèles de zones ont des limites qu’il faut connaitre avant de les utiliser :
Le modèle de zones utilisant la fréquence cardiaque (FC) a plusieurs limites, on pourrait citer le seuil lactique qui est différent lorsque la fatigue s’accumule (notion de durabilité), la FC qui est non-stationnaire et qui dérive (augmentation de la FC) pour une même intensité mécanique avec l’allongement de la durée de l’effort ou encore la fatigue/ l’amélioration de l’efficience aérobie qui font diminuer la FC.
Le modèle utilisant la puissance en vélo doit avoir une approche par contexte : outdoor plat, outdoor montée, indoor ce qui est assez complexe à mettre en place.
L’utilisation de la vitesse en course à pied s’expose également à des limites comme le vent et la pente.
Chez les triathlètes il est très compliqué d’avoir une analyse combinée de la DIE car on doit utiliser des méthodes différentes pour chaque discipline.
Maintenant que nous avons posé les bases de la DIE et ses limites ainsi que les différents modèles d’entraînement existants, voyons comment les utiliser et les combiner en ayant connaissance de leurs limites et de leurs avantages.