Les stratégies d’entraînement
Partie 5 : L’entraînement en chaleur pour améliorer la performance d’endurance
L’athlète doit s’entraîner de longues heures sur une longue période de temps (notion d’entraînement chronique) pour perturber l’homéostasie cellulaire et corporelle afin de générer les adaptations nécessaires à l’amélioration de ses performances d’endurance. En effet, il faut compter entre 3 et 5 ans avant de tirer tous les bénéfices d’une charge d’entraînement constante, récurrente et régulière.
Au niveau bioénergétique, l’entraînement en endurance va chercher à améliorer la qualité et la quantité des mitochondries afin de répondre aux besoins énergétiques accrus durant un effort de longue durée. Pour améliorer son fonctionnement, l’organisme va augmenter le nombre de mitochondries et densifier son réseau mitochondrial en répliquant l'ADN mitochondrial afin d’apporter plus d’oxygène aux muscles durant l’effort.
La mitochondrie est la centrale énergétique de la cellule musculaire. C’est là que se déroulent les dernières étapes de la respiration cellulaire qui vont transformer les substrats issus de l’alimentation en énergie directement utilisable par la cellule sous forme d’ATP’’
Chaque séance d’entraînement (notion d’entraînement aiguë) représente ainsi un stress pour l’organisme dont la réponse adaptative sera plus ou moins grande en fonction de l’ampleur de ce stress d’entraînement mais également de la phase de récupération qui s’en suit. A la suite d’une séance d’entraînement, on peut observer dans un premier temps un processus de fission qui va fragmenter les mitochondries endommagées et déclencher ce qu’on appelle une biogenèse mitochondriale. Puis dans un second temps, lors de la phase de récupération, il y a le processus de fusion qui va s’enclencher pour permettre une prolifération des mitochondries.
Il y a donc un équilibre à avoir entre la fission post-exercice qui va éliminer les organites endommagés et la fusion, durant la phase de récupération, qui va permettre d’augmenter la quantité et la qualité des mitochondries.
Le processus de fission-fusion est régulé par le co-activateur de transcription PGC-1alpha qui joue un rôle central dans la régulation du métabolisme énergétique cellulaire.
Les co-activateurs de transcription sont des protéines essentielles à l’expression des gênes. Ils sont impliqués dans l’activation de la machinerie transcriptionnelle. Au niveau génétique la transcription consiste, au niveau de la cellule, à copier l’ADN en ARN. Ensuite cet ARN sera traduit en séquences protéiques. Le but final étant la synthèse de nouvelles protéines.
L’entraînement en endurance cherche ainsi à maximiser la signalisation de PGC-1alpha afin d’améliorer le métabolisme énergétique :
Biogenèse mitochondriale
Remodelage du tissu musculaire vers une composition de fibre musculaire plus oxydative et moins glycolytique
Régulation du métabolisme des glucides et des lipides.
L’entraînement à basse intensité ou à haute intensité est un bon moyen pour signaliser PGC-1alpha mais on peut également utiliser différentes stratégies d’entraînement pour augmenter le stress d’entraînement afin de renforcer sa signalisation et générer une réponse adaptative plus élevée de l’organisme, parmi celles-ci on peut citer :
L’entraînement en hypoxie
L’entraînement en chaleur
La périodisation de la disponibilité énergétique (glucides, lipides)
Attardons-nous sur l’entraînement sous la chaleur qui permet d’améliorer les performances d’endurance au sein d’un environnement chaud mais également lorsque les températures sont douces/ froides par différentes adaptations dont les principales sont :
Une meilleure thermotolérance
Une meilleure dissipation de la chaleur
Une augmentation du volume plasmatique
Une augmentation de la masse d’hémoglobine
Importance de l’hémoglobine dans la performance d’endurance
Un taux d’hémoglobine élevé est important pour les athlètes d’endurance afin d’avoir un bon transport de l’oxygène vers les muscles. Plus le taux d’hémoglobine sera élevé et plus l’apport en oxygène sera important pour permettre la contraction musculaire. A titre d’exemple, l’hémoglobine transporte 1,34ml/ g d’hémoglobine soit 17,42g/ dL d’O2 pour un athlète ayant un taux d’hémoglobine de 13g/ dL alors qu’un athlète ayant un taux d’hémoglobine de 15g/ dL pourra transporter 20,1g/ dL d’O2.
L’entraînement en altitude permet d’augmenter la masse d’hémoglobine sous l’effet du stress hypoxique mais tous les athlètes ne sont pas bons répondeurs.
Sous l’effet du stress thermique, l’organisme va activer les protéines de choc thermique (Hsp72 | Heat shock protein 72) qui sont sous le contrôle des facteurs de choc thermique HSF qui ont un rôle important pour renforcer la signalisation de PGC-1alpha.
Le stress thermique est donc une stratégie intéressante pour améliorer les performances d’endurance mais il faut la manier avec précaution car elle peut également générer des effets néfastes si elle n’est pas contrôlée ou adaptée :
Endotoxémie
Suppression de l’activation parasympathique du système nerveux autonome (SNA)
Fatigue
Désadaptation métabolique
… … …
Il y a d’un côté la théorie sur les bienfaits du stress thermique et de l’autre l’importance de l’expérience de terrain sur l’utilisation de cette stratégie à l’entraînement pour préparer les athlètes. J’ai commencé à employer la stratégie d’acclimatation à la chaleur en 2015 pour préparer les athlètes aux exigences de l’Ironman d’Hawaii en utilisant l’entraînement en chaleur sur home-trainer dans une pièce chauffée entre 30 et 35° avec un contrôle de l’intensité via la fréquence cardiaque (FC), cette stratégie fut payante avec un athlète ayant réalisé 10:03:24 (3:17:12 sur le marathon) alors qu’il ne supportait pas la chaleur avant la phase d’acclimatation à la chaleur. Cette stratégie fut ensuite améliorée en effectuant les séances sur home-trainer dans une pièce chauffée à une température de 30°C en faisant couler de l’eau chaude afin d’avoir une humidité plus élevée pour se rapprocher des conditions Hawaiiennes. Mais voilà cette approche engendrait un stress important sur l’organisme tout en perturbant le processus d’entraînement car il faut compter au minimum 3 semaines d’acclimatation à raison de 3 séances d’une heure/ semaine. Depuis quelques années j’ai donc modifié l’approche en utilisant le bain chaud post-effort pour mieux supporter la chaleur humide. L’avantage du bain chaud post-exercice étant qu’il n’interfère pas avec l’entraînement et qu’il est facile à intégrer dans la préparation.
Tout ça pour dire que nous avons d’un côté les études scientifiques et de l’autre l’importance de l’expérience de l’entraîneur et de sa pratique sur le terrain auprès des athlètes.
Voyons comment utiliser le stress thermique et les effets réels attendus sur l’amélioration de la performance d’endurance.