L’entraînement dans les sports d’endurance vise essentiellement à améliorer le métabolisme des athlètes. L’objectif des séances d'entraînement en endurance est de stimuler des changements dans l'expression des gènes et la synthèse des protéines qui sont responsables de la performance d’endurance. Pour obtenir les meilleurs effets du signal adaptatif cellulaire tout en réduisant les facteurs de stress négatifs, il faut réaliser un contrôle quotidien de l’intensité d’entraînement tout en veillant à équilibrer la fréquence et la durée de l’entraînement.
Il est courant d’organiser les séances d’entraînement en fonction de zones d’intensité spécifiques qui sont définies par des % fixes (FC, concentration de lacatate, % de puissance/vitesse …).
Toutefois ces fameuses zones ne sont pas clairement identifiées par rapport à des événements physiologiques !
Dernièrement, le contrôle des intensités d’entraînement a été fortement popularisé par Inigo San Millan (entraîneur de Pogacar) ou par les athlètes Norvégiens que ce soit les frères Ingebrigtsen ou les triathlètes Kristian Blummenfelt et Gustav Iden. On peut même dire que les 2 triathlètes ont bien médiatisé le suivi du taux de lactate lors de leurs séances d’entraînement avec de nombreuses publications sur les réseaux sociaux. Une grande partie de leur volume d’entraînement est effectué à basse intensité (<LT1) et la majorité des séances d'entraînement par intervalles sont réalisées autour d’un taux de lactate sanguin de 3,5. Dans leur modèle d’entraînement les séances à haute intensité (>4mmol de lactate) représentent une petite partie de leur entraînement. A la vue des résultats de ces athlètes, on peut supposer que le contrôle des intensités d’entraînement est une clé essentielle pour progresser et performer.
Pourquoi utiliser le lactate pour contrôler ses intensités d’entraînement ?
Le lactate est un régulateur clé du métabolisme, il permet de comprendre comment l’athlète régule l’utilisation des substrats énergétiques durant les séances d’entraînement. En effet, le lactate diminue ou inhibe l’utilisation des acides gras libres servant de source énergétique durant l’exercice (lipolyse), il régule également le taux d’utilisation du glucose par les cellules musculaires (glycolyse).
Traditionnellement les entraîneurs et les athlètes utilisent un modèle classique utilisant un % d’intensité fixe identique pour définir le seuil de lactate alors que chaque athlète a ses propres paramètres métaboliques et donc des zones d’entraînement différentes. Le seuil de lactate à 90% FCmax et/ ou 4mmol/ L de lactate sanguin peut être vrai pour un athlète et totalement faux pour un autre ! En se basant sur un % fixe d’intensité pour tous les athlètes, on va provoquer des adaptations physiologiques et métaboliques différentes alors que les athlètes suivent le même programme.
Faut-il utiliser le seuil de lactate ?
Un taux de lactate sanguin de 4mmol/ L à l’exercice est souvent associé au seuil de lactate (SL) sauf qu’il n’y a pas vraiment de consensus scientifique sur la valeur exacte du taux de lactate sanguin ni sur la méthode pour calculer le SL. Il existe de multiples méthodes pour calculer le SL mais elles représentent des événements et des mécanismes physiologiques très différents qui peuvent s’obtenir à des taux métaboliques différents. L’atteinte du SL de 4mmol/ L peut être obtenu à des intensités différentes selon la technique de mesure employée ou le type de test et surtout la durée des paliers d’efforts durant les tests. En effet, des paliers d’efforts trop courts (<6’) vont surestimer le SL.
Il faut également être attentif à différents paramètres lorsqu’on souhaite utiliser le dosage de lactate sanguin à l’exercice et qui montrent que le seuil de 4mmol/ L peut bouger :
Un régime riche ou pauvre en glucides peut déplacer respectivement vers la gauche ou vers la droite, la courbe d’augmentation des concentrations sanguines de lactate et donc potentiellement déplacer le « S.L. »
Le niveau des réserves en glycogène de l’athlète avant de déterminer le SL. L’athlète ayant des faibles réserves en glycogène lors d’un test, cas des athlètes qui s’entraînent régulièrement, pourra avoir un SL décalé montrant une plus faible production de lactate pour une intensité similaire. Ca ne représentera pas une amélioration de son statut d’entraînement mais tout simplement un manque de glycogène pour produire de l’énergie.
L’ingestion de caféine qui augmente la lactatémie lors de l’exercice
La température lors de la passation du test : le froid ferait diminuer la lactatémie alors que la chaleur l’augmenterait.
Pour bien utiliser le lactate à des fins de contrôle de l’intensité d’exercice, il faut d’abord comprendre comment il est produit et de quelle manière il est éliminé ! On ne peut pas parler d’entraînement au SL si on ne comprend pas le métabolisme du lactate.
Lorsque l’intensité d’exercice s’élève, l’organisme accumule du lactate et des H+ qui sont éliminés par les mitochondries des cellules musculaires. Mais lorsque l’intensité est trop élevée et que l’accumulation du lactate et des H+ saturent la capacité d’élimination des mitochondries, le lactate et les H+ sont exportés dans le sang et dans les cellules musculaires adjacentes.
Ainsi, on pense souvent que le SL représente une intensité d’exercice élevée qui ne peut être maintenue que sur des durées courtes et c’est bien de là que vient la confusion de nombreux entraîneurs et athlètes. Prenons un exemple concret en utilisant la puissance/ vitesse critique (CP/ CS) qui représente une intensité étalon pouvant être maintenue entre 45’ à 60’.
Le seuil de lactate sanguin de 4mmol/ L peut être obtenu entre 75 et 90% CP/ CS ce qui correspond à des efforts de plusieurs heures à cette intensité (cf. figure 2). On est donc loin d’un SL utilisé comme « intensité étalon » lors des séances à haute intensité utilisant des intervalles de courtes durées.
Sans contrôle de l’intensité métabolique et en utilisant des % fixes, les athlètes s’entraînent généralement à une intensité trop élevée sur les séances à basse intensité et avec une intensité trop élevée sur les séances HIT. Ils ne vont ainsi malheureusement pas explorer les intensités intermédiaires qui sont pourtant très efficaces pour améliorer le fonctionnement de l’organisme.