Maintenir la base aérobie et l’intensité spécifique : repenser l’affûtage en triathlon longue distance
Les premières compétitions majeures approchent pour les triathlètes spécialistes de la longue distance. Se pose alors le dilemme de réussir sa phase d’affûtage (ou tapering) pour concrétiser des mois de préparation, d’efforts et de sacrifices consentis.
L’affûtage est, à mon sens, une phase délicate du processus d’entraînement, qui peut influer directement sur la performance le jour J. Cependant, je me demande depuis un moment si l’on n’accorde pas parfois une importance excessive à ce paramètre dans le résultat final.
Il y a deux ans, j’ai rédigé un article pour partager quelques réflexions sur le sujet—vous pouvez d’ailleurs le consulter librement sur mon site : Réflexion sur l'affûtage en pré-compétition.
Cette fois, j’irai un peu plus loin en proposant des exemples concrets, qu’il s’agisse d’athlètes que j’entraîne ou non, afin d’illustrer encore mieux la démarche.
Ce que dit la science
Les études scientifiques soulignent qu’il convient de réduire progressivement le volume au cours des deux à trois semaines précédant l’objectif, tout en maintenant un travail d’intensité sur des séances plus courtes. L’idée est de limiter la fatigue et d’augmenter le niveau de forme.
D’après la littérature, on avance parfois des chiffres tels que +4,2 % sur le VO₂max ou +6,3 % sur l’économie de course grâce à un affûtage réussi. Pour les athlètes de haut niveau, on évoque plutôt +1 % de performance, ce qui peut suffire à basculer de la deuxième à la première place.
La réalité sur le terrain
Pourtant, sur le terrain, et plus spécifiquement dans les épreuves d’endurance longue durée (Half / Ironman), je n’observe pas exactement ces gains, du moins pas dans les mêmes proportions.
Comme dans d’autres domaines (par exemple la nutrition, où l’on préconise 90 à 120 g/h de glucides en cyclisme — sans que ce soit forcément idéal en triathlon longue distance), il convient de se demander si les recherches sur l’affûtage, qui recommandent de réduire le volume tout en préservant un travail à haute intensité et qui sont en grande partie issues d’études menées chez les nageurs, peuvent réellement être transposées telles quelles au triathlon longue distance.
Mon expérience me conduit à penser que non. J’ai tenté la méthode d’affûtage « scientifique » en triathlon longue distance et, d’après les retours de mes athlètes, ce qui fonctionne en natation ne s’applique pas nécessairement de la même manière ici. La plupart rapportaient de moins bonnes sensations le jour de la course, avec une impression de manque d’énergie, alors qu’en période de préparation (avec un volume d’entraînement plus élevé), ils se sentaient plus solides sur les grosses séances du week-end, malgré une charge importante les jours précédents.
Ainsi, l’approche « classique » — réduire progressivement le volume d’entraînement tout en maintenant la fréquence et la qualité des séances — ne semble pas porter ses fruits en triathlon longue distance autant qu’elle le peut en natation.