L'EmbrunMan est une épreuve incontournable du calendrier triathlétique français, avec un rayonnement international. Ce triathlon au format Full-Distance se distingue par ses parcours exigeants, notamment le segment vélo de 185 km avec un dénivelé positif d'environ 3600 m, et le marathon de 42 km avec 400 m de dénivelé positif. Ces caractéristiques rendent cette épreuve plus longue qu'un triathlon classique au format Ironman, ajoutant en moyenne une heure de course supplémentaire, ce qui demande une endurance accrue et accentue la fatigue cumulative pour la majorité des participants qui concourent pendant plus de 10 heures.
Pour relever ce défi, l'accent doit être mis sur l'amélioration de la durabilité dans l'effort, un facteur déterminant de la performance sur cette course. Outre cet aspect, deux autres éléments importants doivent être pris en compte :
Le dénivelé, qui nécessite un travail spécifique en accumulant du dénivelé dans des longues montées de col en vélo de route (ça ne fonctionne pas sur HT).
La chaleur, car la température élevée, notamment pendant la partie marathon, impose une bonne acclimatation.
Ces trois facteurs ont été les axes principaux de la préparation de Louis Richard pour la 40ème édition de l'EmbrunMan, où il a décroché la victoire en 9:30:41. Explorons plus en détail les étapes de cette préparation qui ont permis de réaliser cette performance.
Retour en arrière
Louis est un ancien cycliste professionnel, avec qui je collabore depuis février 2022. Au départ, je l'ai entraîné exclusivement en vélo de février à octobre 2022. Ce n'est qu'à partir de mi-octobre 2022 qu'il a décidé d'arrêter sa carrière cycliste pour se lancer dans le triathlon longue distance, et nous avons alors commencé sa préparation en triathlon.
Son potentiel physiologique est indéniable, il a été champion de France de poursuite par équipe junior, 2ème du Championnat de France amateur en 2021 ou encore 25ème au Ventoux Dénivelé Challenge en 2022 lors de sa première année chez les pros. Cependant, avant octobre 2022, Louis n'avait pratiquement jamais nagé ni couru. Cela a donc représenté un véritable défi pour lui.
La natation, bien que technique et exigeante en termes d'investissement, n'a pas été un obstacle insurmontable pour Louis au niveau mécanique même si le chemin qui reste à parcourir est encore long pour élever sa performance dans cette discipline. En revanche, les débuts en course à pied ont été plus compliqués, avec plusieurs blessures liées à l’appareil locomoteur.
En tant que cycliste, Louis était habitué à un sport porté, caractérisé par environ 95 % de contractions musculaires concentriques en chaîne fermée. À l’inverse, la course à pied est une discipline en chaîne ouverte, avec une répartition de 50 % de contractions concentriques (propulsion) et 50 % de contractions excentriques (absorption des chocs), ce qui impose un stress mécanique élevé et un risque accru de blessures.
Répartition :
Concentrique (~50%) : Lors de la phase de propulsion, quand le pied quitte le sol.
Excentrique (~50%) : Lors de l’atterrissage, pour absorber l'impact et stabiliser le mouvement.
Le travail excentrique est plus propice aux blessures (tendinites, déchirures musculaires, courbatures, lésions des muscles stabilisateurs) en raison de la tension élevée exercée sur les muscles et les tendons, ainsi qu’à cause du sous-recrutement des fibres musculaires. »
Nous avons donc progressé prudemment avec des séances alternant course et marche, en ajoutant des exercices comme la corde à sauter pour un travail excentrique contrôlé, afin de renforcer les muscles, tendons et ligaments. Entre octobre 2022 et aujourd'hui, nous avons fait des progrès significatifs au niveau du renforcement de son appareil locomoteur, bien que Louis reste fragile en course à pied. Nous adaptons donc souvent ses séances pour prévenir les blessures.
Il est à noter que la majorité de son entraînement en course à pied se fait à basse intensité (< LT1) ou entre les deux seuils (LT1-LT2). Les séances au-delà de LT2 sont pour le moment limitées afin de minimiser les risques de blessures.
Une méta-analyse de 2015 a montré que le taux de blessures chez les coureurs varie de 19,4 à 79,3 blessures pour 1000 heures de course, ce qui souligne l'importance de la gestion des volumes d'entraînement pour prévenir les blessures.
10 mois de transition : De cycliste à triathlète
Entre octobre 2022 et août 2023, Louis a suivi un programme d’entraînement spécifique axé sur la transition de cycliste professionnel à triathlète longue distance nous obligeant à réduire le volume d’entraînement en vélo avec une diminution acceptée de ses performances dans cette discipline.
Pour son premier triathlon Full Distance lors de l’EmbrunMan 2023, après deux triathlons Half en juin et juillet, Louis a terminé 4ème avec un temps de 9:58:12 (220ème tps en natation, 4ème tps en vélo, 7ème tps en course à pied).
Cette performance a conforté son choix d’avoir quitté le monde du cyclisme pour se consacrer au triathlon longue distance. En seulement un an, Louis a réalisé d'immenses progrès.
Évolution entre EmbrunMan 2023 et 2024
Maintenant, examinons l'évolution de son entraînement entre l'EmbrunMan 2023 et l'EmbrunMan 2024, avec à la clé une progression de 27 minutes et 31 secondes.
L’entraînement des 7 dernières semaines avant l’objectif
Je me suis centré sur les 7 dernières semaines d’entraînement (hors phase d’affûtage) de l’EmbrunMan 2023, de l’Ironman de Lanzarote 2024 et de l’EmbrunMan 2024 permettant une analyse comparative. Ce choix des 7 dernières semaines d’entraînement n’est pas anodin car elles sont cruciales durant la préparation, elles permettent :
D'atteindre le pic de forme physique,
De maximiser les adaptations physiologiques,
De se préparer aux spécificités de la course,
D’avoir une charge d’entraînement élevée avant une phase de récupération (affûtage) pour optimiser la performance le jour de l'épreuve.
Ces semaines sont une sorte de "point culminant" de la préparation, où la base de l'entraînement est construite et affinée pour optimiser les performances en compétition.